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« L’agrivoltaïsme pour réintroduire les moutons »

Simon Bourdin (à gauche) et Patrick Doyen (à droite) sont membres du collectif agrivoltaïque Agri Valdi Vert. Il devrait produire à terme environ 150 GWh d’électricité renouvelable par an.

Un collectif de onze agriculteurs céréaliers de la Vienne va installer 200 ha de panneaux afin de compenser leurs faibles rendements avec la production d’ovins et d’électricité.

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Les rendements ne sont plus au rendez-vous sur la commune de Valdivienne, près de Poitiers (Nouvelle-Aquitaine), en zone défavorisée. Fort de ce constat, onze agriculteurs ont décidé de franchir le cap de l’agrivoltaïsme en créant le collectif Agri Valdi Vert. Ces céréaliers souhaitent en particulier réintroduire l’élevage ovin sur la commune pour revenir au système historique de polyculture-élevage. « On n’invente rien, on refait ce qu’il y avait avant en ajoutant simplement l’énergie renouvelable », interpelle Yannick Bourdin, membre du collectif.

200 hectares répartis en douze îlots

Pour le mener à bien, le collectif est accompagné par la société bordelaise GLHD, spécialisée dans l’ingénierie agrivoltaïque et dont l’actionnaire principal est EDF Renouvelables. Au total, les panneaux couvriront une surface de 200 hectares répartis en douze îlots quadrillant la commune. 120 ha seront dédiés aux ovins.

Les 200 hectares du projet sont réparties en îlots sur la commune de Valdivienne. La carte des zones d'implantation des panneaux en date du 16 mai 2024. (©  GLHD)

700 brebis en pâturage tournant

Sur les onze agriculteurs du collectif, huit ont choisi de se lancer dans cet élevage. « Le projet est d’élever 700 brebis (soit environ 0,8 UGB/ha) et d’embaucher un salarié pour nous aider à conduire le troupeau », raconte Simon Bourdin, agriculteur et président d’Agri Valdi Vert. Le choix s’est porté sur un système en pâturage tournant dynamique avec d’éventuelles surfaces additionnelles de couverts. Une bergerie sera créée pour réaliser des agnelages regroupés et une bétaillère se chargera de transporter les animaux entre les îlots.

Concrètement, les brebis passent environ un mois en bergerie pour les agnelages puis sont mises au pâturage, « à l’abri sous les panneaux ». « L’objectif est de mettre les moutons en pâture sous les panneaux au moment le plus opportun à chaque fois, avec une pousse décalée au printemps », indique Simon. Le projet s’intégrera également dans les rotations et sur les parcelles voisines non munies de panneaux pour faire de l’agrivoltaïsme un outil agronomique. Pour parer aux éventuels coups durs, le collectif a prévu une trentaine d’hectares de fourrage. « On voudrait aussi conduire une partie du troupeau avec des races rustiques et en 100 % à l’extérieur sous les panneaux pour bénéficier au maximum de l’avantage et de l’intérêt de l’agrivoltaïsme. »

Sur le choix de la technologie, la majorité des panneaux seront de type trackers pour profiter de la polyvalence de l’installation. Néanmoins, la configuration du terrain sur certaines parcelles imposera des panneaux fixes. L’objectif est de s’adapter aux spécificités du projet agricole tout en utilisant des technologies « dont on sait qu’elles vont fonctionner et résister dans le temps », souligne GLHD.

Bénéfices partagés

Tous les membres du collectif ont apporté environ 10-15 % de leurs SAU respectives pour ce projet. Si Éric Aubrun, Yannick Bourdin et Thomas Rogeon n’élèveront pas de moutons sur leurs parcelles, ils restent très impliqués dans la réintroduction de l’élevage sur la commune.

Associés en cultures céréalières et maraîchères, Yannick et Thomas, veulent mettre leurs trois hectares de surfaces de légumes sous les panneaux solaires pour limiter l’impact climatique qu’ils connaissent ces dernières années (fortes chaleurs et grêle notamment) et réduire leur consommation d’eau. « On cultive tout en pleins champs, donc les coups de chaleurs sur les légumes nous font mal ! », alerte Yannick. Avec la création d’un atelier de transformation pour la réalisation de pâtes, farine et autres produits, ils souhaitent redévelopper le magasin de vente à la ferme qu’ils possèdent pour la distribution de leurs légumes. Malgré l’aide ponctuelle de leurs proches, sans laquelle il n’y arriverait pas, les deux associés ont besoin d’une main-d’œuvre supplémentaire pour tout faire. « Ce projet va nous permettre de sécuriser l’exploitation et de nous lancer par rapport à la diversification qu’on souhaite », ajoute Thomas.

Une partie des 11 agriculteurs du collectif Agri Valdi Vert. De gauche à droite : Mathis Vaucelle, Romain Servouze, Patrick Doyen et Simon Bourdin (président). (©  GHLD)

Ce projet agrivoltaïque va également permettre à Éric de passer ses parcelles sous panneaux solaires en bio. « J’avais la volonté de mettre moins de phytos et d’intrants sur mes cultures mais je voulais avoir une sécurité, notamment financière, pour me lancer », raconte-t-il. Grâce aux bénéfices apportés par les panneaux solaires, il souhaite essayer différentes associations de plantes (blé, pois, triticale, féverole par exemple) mais aussi faire un peu de semences.

Une partie de la production pourra être valorisée en vente directe, grâce au magasin à la ferme de Yannick et Thomas. Les agriculteurs vont aussi s’appuyer sur les infrastructures présentes dans la région. « Nous avons la chance d’avoir un boucher sur la commune qui travaille en circuit court, raconte Simon. Si la qualité est là, il se fera une joie de commercialiser notre viande dans sa boucherie. Pour le reste, il y a l’abattoir de la Sodem, au Vigeant (Vienne), qui de temps en temps manque de travail, et le but serait d’aller l’alimenter. »

Concernant le partage de la valeur, les bénéfices seront redistribués entre les propriétaires fonciers, les agriculteurs exploitants et l’énergéticien. L’électricité étant vendue au prix du marché, un prix plancher sera alloué aux agriculteurs pour garantir leur sécurité financière. Pour le collectif, l’agrivoltaïsme va pérenniser les exploitations en ramenant de la valeur ajoutée et une capacité à investir, qui faciliteront la transmission.

Une concertation avec le territoire

Contraintes techniques et environnementales, besoins agricoles, craintes des riverains… Une longue période de concertation a permis d’aboutir aux 200 ha que compte le projet. « Nous sommes tous des agriculteurs de la commune de Valdivienne et nous ne voulions pas non plus nous mettre à dos les habitants », explique Patrick Doyen, également dans le collectif. Si la concertation se poursuit, ils travaillent actuellement à la finalisation du projet agricole en partenariat avec la chambre d’agriculture de la Vienne.

Ils espèrent pouvoir déposer leur dossier cet été pour une mise en fonctionnement de l’installation entre 2027 et 2030. La ferme agrivoltaïque Agri Valdi Vert devrait produire à terme environ 150 GWh d’électricité renouvelable par an.

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